« Parce qu’ils sont arméniens » de Pinar Selek

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note de l’éditeur :
« Le génocide arménien a un siècle. Une page noire de l’histoire turque, toujours controversée, toujours taboue; un drame qui hante les esprits et les cœurs de génération en génération. Pinar Selek interroge son rapport à cet épisode et à la communauté victime. Au fil des souvenirs et des rencontres, elle raconte ce que signifie se construire en récitant des slogans qui proclament la supériorité nationale, en côtoyant des camarades craintifs et silencieux, en sillonnant Istanbul où les noms arméniens ont été effacés des enseignes, en militant dans des mouvements d’extrême gauche ayant intégré le déni.
Au-delà de la question arménienne, ce témoignage sensible, engagé, parfois autocritique, dénonce les impasses de la violence et sonde les mutations de l’engagement collectif. »
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— Ce livre, je l’ai lu d’un trait, c’est assez rare pour le souligner
Pinar Selek nous parle de son enfance, de la façon dont les enseignants turques abordaient le problème arménien en le niant tout simplement avec pour exemple cette rédaction dont le sujet était : « le génocide arménien est une imposture ». Cette négation au lieu de l’endormir l’interpella, qui sont les Arméniens, où sont les Arméniens ? que personne ne voit, qui ne s’expriment pas et dont personne ne veut parler…
C’est sa rencontre  avec « madame » que l’on appelle ainsi au lieu de « Hanim » (femme) , parce qu’elle est arménienne…
En Turquie il est difficile pour les arméniens d’être heureux…
Il y eut « Madame » Nayat, les rares arméniennes dans ses classes qui ne s’exprimaient jamais, les professeurs qui les fustigeaient, les discours du dictateur militaire ridicule qui ravivait la vindicte, les injures : »batard d’Arménien », les ecrivains et poetes armeniens dont il etait interdit de parler dans les cours —c’est fou comme toutes les dictatures se ressemblent—-
Il y eut « Madame » Talin, son histoire qui la marqua prondément (« nous avions un joli café à Kumkapi »)
— Ce fut ses années de révolte, de défense des minorités, la prison, la torture (son père était communiste, un crime à l’époque), et du fond de sa prison les lettres de Nisan Amca (l’oncle Nisan, tel qu’elle l’appelle ») qui la soutient dans sa douleur, c’était un arménien…

Sa sortie de prison, la creation du mouvement féministe auquel elle participe et puis Hrant Dink, le fondateur d’Agos (le sillon) le premier journal bilingue en turc et arménien dans un pays où les arméniens n’existent pas…L’assassinat de Hrant Dink, c’était un arménien….
Son exil en France et ailleurs, le problème Kurde et puis maintenant Kobané….

—Un livre qui apprend beaucoup…

Crime d’Honneur d’Elif Shafak

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« Ma mère est morte deux fois. » C’est par ces mots qu’Esma, jeune femme kurde, commence le récit de l’histoire de sa famille née sur les rives de l’Euphrate et émigrée à Londres en 1970.
L’histoire, d’abord, de sa grand-mère dans le village de Mala Çar Bayan, désespérée de ne mettre au monde que des filles, elle qui sait combien la vie ne les épargnera pas. L’histoire de sa mère, Pembe la superstitieuse, et de sa tante, Jamila la guérisseuse, sœurs jumelles aux destins très différents. L’histoire des hommes aussi, celle de son père, tour à tour aimant, violent, fuyant, et celle de ses frères, Yunus le rêveur, et Iskender. Iskender, l’enfant chéri de sa mère, la « prunelle de ses yeux », son sultan. Son meurtrier.
Enfin, l’histoire de ces immigrés qui ont choisi l’exil pour vivre de miracles et croire aux mirages, qui ont choisi la liberté et l’amour quand d’autres restent ancrés dans les traditions et portent au pinacle l’honneur d’une famille.
Mon avis : Excellente découverte d’une auteure et d’un thème qui de nos jours est d’actualité : la liberté de la femme dans le monde musulman….

La longue marche de Bernard Ollivier

08.08

La longue marche de Bernard Ollivier

Bernard Ollivier nous amène avec lui sur la route de la soie entre Istanbul et l’Iran, et tout cela à pied, dans des paysages fantastiques de beauté. A la rencontre de gens chaleureux et hospitaliers pour la plupart, mais aussi des dangers, la peur sur le chemin et une fin qui vous donne envie de lire le second tome (il y en a trois en tout)

Voilà une oeuvre (débutée avant 2001) qui prend de nos jours toute son acuité, elle nous montre des mondes éloignés de la fièvre intolérante qui nous entoure aujourd’hui, on y trouve l’accueil, l’hospitalité, la sympathie de peuples baignés dans la religion islamique à 10.000 lieues du fanatisme…
Cette oeuvre faite d’amour, d’empathie devrait être lue dans les écoles, mais bon, ce n’est que mon opinion on pourra dire qu’elle est un peu primaire, elle est juste sincère…

B.Ollivier se lance dans une aventure hors du commun, dans l’inconnu (un peu préparé car il a pris des attaches à Paris pour avoir quelques conseils et quelques adresses, et appris un minimum de mots en Turc qui l’aideront un peu, on s’en rendra compte à la lecture)..
Mais la question initiale pourrait être : pourquoi pars t’on sur des routes incertaines à soixante ans…?
—Dans sa vie à cette époque, et il le dit il a vécu un drame, une perte, de plus il semble qu’il se lance un défi : non je ne suis pas mort, j’existe encore…
Ce défi on peut se le lancer à tout âge, ainsi depuis trois ans je suis le voyage en solitaire en bateau d’un Niçois parti des côtes d’Afrique et bourlinguant sur celles d’Amérique du Sud et centrale. Ses motivations sont différentes à la base, mais le défi est présent, il est le même…
On peut se demander : n’a t’il pas un problème avec l’autorité ce bonhomme..? Mais non, il faut bien reconnaître que dans les pays où les salaires sont tres bas l’étranger est un portefeuille ambulant pour ces mini-tyrans, une bonne aubaine pour soutirer par l’intimidation et à la limite par la force un peu de cette « richesse occidentale »…Et ceci que ce soit en Turquie, en Iran ou au Turkmenistan où je suis rendu…Et à contrario, dans la population (à de rares exceptions) c’est l’accueil sympathique (on viendra souvent à sa rencontre lui proposer du thé ou une autre boisson ), l’hospitalité, la gentillesse, la curiosité vers ce qui est étranger et qui fera réver ceux qui ne peuvent quitter leur village et ne connaîtront jamais ce qu’il y a au delà des montagnes, au delà des rivieres qui bordent leur petit monde…
le manque d’empathie ce n’est pas le sentiment général que j’en ai, je peux me tromper mais au contraire j’ai trouvé qu’il aime partager des moments avec les gens sur la route et dans la journée, par contre c’est vrai que ce sont les personnes qui vont vers lui ou qui l’interpellent pour boire un thé (il a du en boire des centaines de litres… content )
c’est vrai aussi que les gens qui se précipitent chez l’habitant finissent par l’ennuyer il faut dire qu’il a à chaque fois énormément marché dans la journée, il est souvent épuisé et a besoin de dormir pour se lever tôt et affronter le soleil le plus tard possible, il privilégie plus sa marche.
Mais en effet il a tendance à ne pas aller vers les gens, je ne pense pas que ce soit dû au manque de connaissance de la langue, au contraire je trouve qu’il ne s’en sort pas trop mal car il apprend vite en peu de temps…
Lorsque l’on entreprend la lecture des trois tomes de la Longue Marche on est happé par le récit, le terme « se plonger » est approprié. Habitué à lire une dizaine de pages par soirée, avec cet auteur je devais me forcer à reposer le livre, abandonner Ollivier au bord de la route, dans un caravansérail ou dans une maison-hôte.
J’ai lu les deux premiers tomes, et je fais un break, de peur d’être usé par ses aventures au même titre que ses chaussures. Qui aurait crû que la succession d’évènements tels que : je me lève tôt, je marche, je m’arrête prendre un thé invité par des paysans, je remarche, je m’arrête pour manger il est midi, je sens la fatigue, je crains la Police, je reremarche, allez j’ajoute encore 15 kms au trajet du jour, bon la nuit arrive, je rencontre des gens, on m’invite, je mange, je raconte mon histoire aux locaux……etc..Oui qui aurait crû que ce genre de déroulement si répétitif aurait pu créer une sensation d’appétance..Une soif de lire en se disant : « que va t’il lui arriver » et pourtant il a marché sur des milliers de kilomètres…
—j’en serai incapable..peu de gens le feraient d’ailleurs, puis-je avancer sans risque de me tromper..Il faut être fou..? Inconscient des dangers..? Désespéré..? Sportif..? Ca oui il l’est, et avec une bonne santé à la soixantaine…C’est clair, il y a eu un élément déclencheur dans son engagement, un élément déclencheur c’est souvent l’étincelle des départs…Mais ensuite, quel courage, quelle obstination et quelle volonté pour refuser le stop, les bus, les camions qui s’arrêtent qui compatissent et veulent le prendre à bord…Ollivier c’est un pèlerin moderne, un croisé à la recherche du graal, ou un être obstiné et obtus..?
—et bien je ne sais pas…
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Bernard Ollivier (France)

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Bernard Ollivier

né en 1938 dans la Manche ; vit aujourd’hui dans l’Eure. Puisque son itinéraire depuis le début a choisi les voies de l’inattendu, il a résolu de prendre jusqu’au bout son monde à contre-pied : en décidant l’an passé de partir avec son sac, c’est tout, pour une promenade de quatre ans. Jusqu’à Xian en Chine : 12 000 km de route — de piste surtout, et de mauvais sentiers parfois, quand il est possible de tailler un raccourci par la montagne. Ses (grands) enfants ont un peu cherché à le retenir, pas beaucoup : il a toujours eu la réputation d’un têtu qui ne renonce pas facilement à ce qu’il a décidé. Et puis il est seul à présent, veuf et retraité, mais toujours en attente de quelque chose qui pourrait venir et qu’il serait indigne de manquer. Alors… Fils d’un ouvrier granitier, il arrête l’école à seize ans, tâte d’un peu tous les boulots — terrassier, docker, garçon de restaurant, représentant, professeur de gymnastique —, passe son bac alors qu’il n’est pas loin d’atteindre la trentaine… et décroche dans la foulée (façon de parler) le diplôme de l’Institut de Formation des Journalistes. Comme beaucoup d’autodidactes, c’est un dévoreur de livres (histoire surtout : Braudel est son dieu). Le fils du carrier sera pendant quinze ans un journaliste politique plein de curiosités et de talents (A.C.P., Paris Match, Combat), et pendant quinze ans encore un chroniqueur économique ou social écouté (Première chaîne, Le Figaro, Le Matin) ; c’est aussi un scénariste à l’occasion, qui s’offre même le luxe de quelques succès. D’autres en auraient profité pour s’acheter sur le tard une jolie paire de pantoufles. Sa retraite le rend à la solitude : et à la route, qu’il a toujours pratiquée sans faire de bruit. Tuberculeux à dix-huit ans et craignant d’y laisser la peau (comme un de ses copains d’alors), il pratique le sport avec fureur et y retrouve la santé. Il ne cessera ensuite de trotter, quand son métier lui en laisse le temps : une vingtaine de marathons (dont celui de New York), quelques courses de 100 km, une participation aux « Foulées de la Soie » (de Kashgar à Pékin) et, voici deux ans, à titre de mise en jambes en attendant mieux, une virée jusqu’à Compostelle — 2325 km en trois mois. Il lui arrive aussi d’aider les autres à trotter : il vient de fonder une association (« Seuil ») qui se donne pour but de remettre les jeunes délinquants sur le bon chemin… par la marche ; tout candidat à ce nouveau mode de réinsertion s’engage à accomplir au minimum deux mille kilomètres à pied en pays étranger. De quoi vous changer un bonhomme. Quant à savoir pourquoi lui persiste à aller ainsi, chaque fois un peu plus loin… Il ne sait trop. On lui a posé cent fois la question, elle l’embarrasse toujours. Peut-être a-t-il écrit ce livre pour essayer d’y répondre. Ou pour se convaincre qu’il n’y avait rien à répondre.

Extraits de « la longue marche » Tome I

« Je repense à tous ces Turcs et tous ces Kurdes qui m’ont offert sans compter leur temps, leur soupe et parfois leur lit. Le souvenir de ces gestes fraternels fait battre mon coeur un peu plus vite, et la marche n’y est pour rien. Certes, j’ai vécu des jours sombres depuis mon départ, mais si peu, comparés aux heures belles et claires de cette Turquie que je vais bientôt quitter. Selim, le philosophe ; Mustapha, le bakkal ; Hikmet, l’étudiant ; Shoukrane, l’hôtesse ; Behçet, le vieil intellectuel ; Arif, le paysan et tous les autres, vous êtes mes amis. Des amis rares. Amitiés d’un jour, et pourtant fortes et solides comme si le temps les avait affermies.

Je n’avais jamais éprouvé cela auparavant : que l’amitié, l’amour, ne sont pas affaires de temps mais le résultat d’une secrète alchimie, et que l’éternité, non plus, n’est pas une affaire de durée. Tout homme, dit-on, revient changé d’un pèlerinage. Mes amis Kurdes et Turcs,.. je rentrerai… avec votre sourire et votre accolade de l’adieu au fond de moi. »

                                                                                       Extrait de « Longue marche »

« Cette Turquie que je vais bientôt quitter m’aura appris la signification d’un des plus beaux mots de sa langue : « misafir ». En français aussi, j’aime bien ce mot « hôte »… Mais je crois n’avoir jamais, au cours de mes diverses pérégrinations, rencontré une telle chaleur, un si grand naturel dans l’ouverture de sa maison aux autres qu’en Turquie. Dans les villages, j’ai toujours été frappé que l’orgueil de celui qui reçoit soit partagé par le reste des habitants.

Dans nos pays « civilisés », cette notion de l’accueil a été peu a peu oubliée ou pervertie. On reçoit la famille et le cercle étroit des amis. Quant aux autres, il y a des maisons faites pour ça, les hôtels… La porte ouverte, sans espoir de retour ou de bénéfice, sans conditions, n’est plus qu’une survivance rare d’avant la prospérité. La table ouverte pour le plaisir de la découverte, de l’échange et de la conversation est-elle encore possible chez nous ? »

                                                                                                  Extrait de « Longue marche »

Critique sur « La longue marche  »  :  http://aaronguide.com/2015/04/13/la-longue-marche-de-bernard-ollivier/

                                             Photo-227-copy

Elif Shafak une écrivain turque.

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Elif Shafak, née le 25 Octobre 1971 à Strasbourg, écrivain turque…

Mon avis sur « Crime d’Honneur » :

« le destin » qui guide le fil de cette lecture nous joue bien des tours comme dans le superbe film d’Elia Kazan « America, America ». En fait j’ai eu l’occasion de parler de kaléidoscope ou de puzzle pour definir ce roman, mais pour être plus précis on devrait parler de ce « Palais des glaces » qui prenait place dans les fêtes foraines d’autrefois, succession de miroirs où chacun s’aventure, et regarde son image démultipliée selon sa position.
Dans ce recit, qui semble mener à l’inéluctable, tel le destin d’autres femmes égarées dont il est fait état, le destin de deux soeurs jumelles Jamila et Pembe, Pembe et Jamila, se mélange comme les marionnettes sous les doigts de l’artiste, en l’occurence ceux de l’auteure, mêlant à loisir leurs vies entre le plateau anatolien et les rues de Londres, entre culture islamique et manifestations de punks anglais, dans un brassage de peuples orientaux aux traditions et coutumes ancestrales.
L’écriture de Elif Shafak est limpide, elle s’écoule agréable, pleine d’un charme oriental, toute en suggestions et retenue. Elle nous fait découvrir l’existence de populations transportées dans une europe où telle la plante épiphyte d’Elias elles survivent en s’attachant « à toutes sortes de choses et poussent presque dans l’air, en vraies nomades ».

Mon avis sur Elif Shafak :

–Voilà un auteur interessant, attachant, une femme intelligente et d’une grande sensibilité. J’ai adoré « crime d’honneur » et je vais lire « Soufi mon amour ». Elle plonge au fond de l’âme humaine sans pour autant juger, rappelant que tout est complexe dans l’existence et que le destin a son rôle dans ces terres d’Orient.  Et de plus ce qui ne gâte rien son regard exprime la beauté de son âme.

Les livres d’Histoire et de voyages, critiques de livres

 

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Ce blog en parallèle avec une visite des curiosités du Vieux Nice vous propose de développer votre goût des voyages, en vous présentant sous formes de critiques, des livres d’histoire et de voyages.

Chaque livre publié ici sera accompagné d’un petit résumé, éventuellement d’un mot de l’éditeur et d’un avis personnel que je vous soumettrai. De plus une fiche sera établie par auteur, ceux ci étant choisis pour le dépaysement qu’ils peuvent procurer. Cela pourra être Léonardo Padura, Elif Shafak, Pedro Juan Gutierrez, Blas de Roblès, Luis Sepulveda, etc..etc. Ils sont Chiliens, Cubains, Français, Turcs, de tous horizons, avec eux nous parcourrerons le monde. A bientôt sur Aaron guide.

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